Analyses antiracistes dans les critiques des oeuvres cinématographiques

Pour le mois de juin, nous avons décidé d’écouter le documentaire I Am Not Your Negro (2016, Raoul Peck), ainsi que le film Do The Right Thing, (1989, Spike Lee). Comme à l’habitude, nous avons ensuite tenue une discussion Zoom autour de ces deux œuvres. Nous avons échangé sur celles-ci, mais aussi sur les événements récents entourant le meurtre de George Floyd par un policier blanc, aux États-Unis. Nous avons aussi noté que le Canada n’est pas à l’abris de ce type de violence. Les agents de police et de la gendarmerie tuent aussi de façon disproportionnée des personnes autochtones, noires, et/ou ayant des problématiques de santé mentale [1].

Durant notre discussion, nous nous sommes demandé ce que l’on voudrait publier sur notre blogue ce mois-ci. Il nous a paru important de prendre ce moment et cet espace pour s’éduquer, plutôt que de publier nos commentaires habituels sur les œuvres visionnées. Nous avons décidé de réfléchir à nos cadres d’analyse. Nous faisons partie d’un laboratoire de recherche sur les dynamiques interculturelles et nous avons mis sur place ce ciné-club dans le but de mettre de l’avant des réflexions critiques sur des œuvres culturelles, à travers des analyses interculturelles et anthropologiques. Ce mois-ci, nous avons eu envie de nous mettre à jour sur les analyses antiracistes dans les critiques des œuvres cinématographiques et de prendre le temps de (re)penser le type d’analyses que l’on produit.

Suite à cette discussion et à nos recherches subséquentes, nous vous partageons quelques publications qui nous ont paru intéressantes. Il existe une littérature abondante sur la relation entre racisme et cinéma. Les textes que nous avons choisis explicitent les fondements théoriques de leurs grilles d’analyse anti-racistes et mettent en application celles-ci à l’aide d’études de cas.

Dei, George J. Sefa. 2008. CHAPTER ONE: “Crash” and the Relevance of an Anti-racism Analytical Lens. Counterpoints 339

George J. Sefa Dei est professeur au département de Social Justice Education à l’Université de Toronto.

Dans ce chapitre, l’auteur applique une grille d’analyse anti-raciste au film Crash (2004). Ce film, primé trois fois aux Oscars, est souvent mis de l’avant pour sa vertu pédagogique et son discours sur les relations raciales. Or, George J. Sefa Dei met plutôt en lumière sa reproduction de stéréotypes racistes, sa promotion d’une vision libérale du pluralisme et son inscription dans un discours sur les relations raciales qui obnubile les rapports de pouvoir.

Jennifer S. Simpson & Erin Yun. 2011. Anti-Racism and Anti-Colonialism in Canada: Identifying Key Components of Critical Pedagogy in Film. Review of Education, Pedagogy, and Cultural Studies 33:4, 365-376

Jennifer S. Simpson est professeure à University of Waterloo, au département de Drama and Speech Communication et Erin Yun est consultante en éducation à University of British Columbia

Cet article propose une analyse critique de 9 films qui abordent le racisme et/ou la colonisation au Canada. La question de départ des auteures est la suivante : “[…] For viewers not watching the film with a critical eye, what messages about colonialism and racism in Canada would they carry with them?” (366)

Elles analysent cela à travers 5 angles : 1) le cadre individuel ou structurel du racisme et du colonialisme ; 2) la localisation de la responsabilité du racisme et du colonialisme ; 3) l’attention mise sur la blanchitude (whiteness) ; 4) la présence de discours multiculturalistes ou critiques en rapport avec le racisme et 5) l’identification – ou non – du Canada comme une société coloniale blanche.

Alessandra Raengo. 2016. Critical Race Theory and Bamboozled. New York : Bloomsbury

Alessandra Raengo est professeure à Georgia State University

Ce livre offre une introduction à la Critical Race Theory et mobilise ce cadre pour faire l’analyse du film Bamboozled (Spike Lee, 2000).

Extrait du résumé du livre :
“The most common approach to issues of “race” and “otherness” continues to focus primarily on questions of positive vs. negative representations and stereotype analysis. Critical Race Theory, instead, designates a much deeper reflection on the constitutive role of race in the legal, social, and aesthetic formations of US culture, including the cinema, where Bamboozled provides endless examples for discussion and analysis.”

Sim, Gerald. 2014. The Subject of Film and Race. Retheorizing Politics, Ideology, and Cinema. New York : Bloomsbury

Gerald Sim est professeur au School of communication and multimedia studies de Florida Atlantic University

Ce livre introduit les Critical race film studies et propose des études de cas. L’auteur mobilise des théories et auteurs postcoloniaux (avec une grande place pour Edward Said et l’Orientalisme), des théories poststructuralistes, ainsi que le Cyborg theory de Donna Harraway.

Résumé du livre :
“The Subject of Film and Race is the first comprehensive intervention into how film critics and scholars have sought to understand cinema’s relationship to racial ideology. In attempting to do more than merely identify harmful stereotypes, research on ‘films and race’ appropriates ideas from post-structuralist theory. But on those platforms, the field takes intellectual and political positions that place its anti-racist efforts at an impasse. While presenting theoretical ideas in an accessible way, Gerald Sim’s historical materialist approach uniquely triangulates well-known work by Edward Said with the Neo-Marxian writing about film by Theodor Adorno and Fredric Jameson. The Subject of Film and Race takes on topics such as identity politics, multiculturalism, multiracial discourse, and cyborg theory, to force film and media studies into rethinking their approach, specifically towards humanism and critical subjectivity. The book illustrates theoretical discussions with a diverse set of familiar films by John Ford, Michael Mann, Todd Solondz, Quentin Tarantino, Keanu Reeves, and others, to show that we must always be aware of capitalist history when thinking about race, ethnicity, and films.”


[1] Seulement en 2020, rappelons-nous de Rodney Levi, Ejaz Ahmed Choudry, Chantel Moore, Stewart Kevin Andrews, Jason Collins, Regis Korchinski-Paquet, Eishia Hudson, D’Andre Campbell et Jamal Francique.  

Ryan Flanagan. 19 juin 2020. What we know about the last 100 people shot and killed by police in Canada. CTV News.

Jacques Marcoux and Katie Nicholson. Deadly force. Fatal encounters with police in Canada: 2000-2017. CBC News.